[ Sans y penser ]

Je lui dis que ça n'existe pas. Il me répond que ça existe au même titre que le silence : Lorsqu'on le prononce il disparait. Alors je lui dis juste, qu'il est moins con qu'il en a l'air. J'ai mis trop de sucre dans mon café, mais plutot crever que de boire du thé dans un moment pareil. Il dit que j'ai l'air surexcité et je réponds que c'est exprés, pour moins penser. C'est vrai que c'est agréable de ne pas se connaître et d'être là quand même, la gueule plongée dans le café-crème. On est peu de chose, vraiment, on est peu de chose.

Cette méthode s'appelle le report d'attention. Pharmacie, papeterie, gants de latex, j'ai rendez-vous chez moi avec la viande et les aiguilles. Je ne suis pas vraiment douée mais la simple hypothèse selon laquelle je pourrais le devenir me donne envie de casser des briques et des murs. Je suis comme vous, je fais ça pour le rock'n'roll.

Il me dit qu'il écrit des chansons d'amour mais qu'il n'a jamais réellement aimé, il dit qu'il s'inspire d'un vécu qu'il sublime et que tout le monde fait pareil. Ainsi, les chansons d'amour seraient les extensions merveilleuses d'un sentiment au départ bancal. Moins con qu'il en a l'air, encore une fois.

Nous n'avons pas changé. Un dîner de cons se prépare pour bientôt et cette cruauté ne s'explique pas sans second degrés, chose qui ne court pas les rues ces derniers temps. Un chinois qui se fait appeler Jackie, c'est une perche trop grande pour qu'on nage sans elle. Je n'ai jamais resisté à la tentation et c'est sans doute de là que me viennent les soucis, qui doivent bien prendre racine quelque part.

Il faudrait que j'arrête à présent, de sombrer dans les collines moelleuses de mes envies trop tendres. Sans déconner, si le monde était tendre, je serais au courant. Il fait un temps trés moche mais ça n'a plus vraiment d'importance, je cherche un nouveau ciel pour ma marelle. Maintenant que l'enveloppe marron est envoyé c'est comme si je n'avais, vraiment, plus rien à foutre ici. Il faudrait donc partir.

Choisir un nouveau pays sur la carte, aller chercher le temps dans sa boite, la vie ne va peut-être pas durer si longtemps, je crois qu'il faut faire vite. Sur la table, il y a l'énorme pavé des Liaisons dangereuses et je me rends compte que j'avais tort avant, et encore avant. C'est toujours pareil, on croit que rien ne va nous toucher, on croit que la littérature est barbante parce qu'elle nous a toujours été présenté de profil. Dans les yeux, j'y trouve un refuge completement anormal qui me fait douter de ma santé mentale. Je suis jeune, je vais le rester toute ma vie et j'en creverai, voilà l'impression que ça donne au départ, cette manie de ne jamais être d'accord avec les plus forts. Cette compassion batarde qui refuse les ordres, l'universalité, les frontières et l'amour. Cette chose sans jeu ni fête, je crois bien que c'est moi. Il faudrait donc partir, mais il y a le pavé sur la table. La vérité c'est que ça n'en vaut pas la peine, ni la pomme d'ailleurs, et pourtant c'est là alors on reste. J'aurais voulu aimer l'école, mais ça aurait été incohérent.