[ Recyclage ]

2 juin 2009

Trojan sisters/Paulette Williams - My island.

Le joint de 23h30 s'accompagne d'un thé, un peu tiède, jamais froid. Le soleil allonge sa course dans des étirements qui font reculer la nuit et puis le ciel se teint en rose et or dans des nuages qui n'ont pas tort. Quelle chose étrange que cette chaleur lourde et légère qui revient toujours à la même époque, quelle drôle d'idée que les saisons toujours à l'heure.

C'est peut-être cette chaleur qui me pousse à songer, l'odeur du riz en fait est toujours logé dans mon nez, quelque part je peux encore les voir danser. J'essaye de me faire continent, de me faire peuple, maudit, de me faire Afrique et légère, un instant. Souvenir choppé au vol, Boobaka begaie un peu quand il parle en français, Amadou minuscule plonge une main dans la gamelle. C'est un rappel de l'eternel. Imagine que t'as rien et respire.

L'odeur des confitures c'est autre chose encore. Pendant sept ans, j'ai compté tout à l'heure, pendant sept ans on démenageait tous les ans. J'ai cru que c'était une malchance, une petite poisse qui n'arrivait qu'à nous, erreur en fait. L'odeur des confitures ça rappelle toutes ces nuits passées dans la cocotte minute, ça rappelle qu'on se marchait dessus et que c'était drole. Je me souviens d'un canari qui est tombé raide mort dans sa cage blanche et or, les deux pattes en arrières et les ailes sur le sol. C'était la merde, comme elle disait, comme c'était la merde je lisais. Tous ces copains, toutes ces écoles, et m'endormir contre la mère quand le monde s'écroulait, le nez collé au tablier, elle avait fait des confitures. C'est autre chose encore.

Qu'est-ce qu'il en dit ? Qu'on devrait jouer aux billes sur une plaque d'égouts, et que si je veux des étoiles pour cette nuit je devrais filer voir Lili. Est-ce qu'il se souvient? Y'a sa gueule dans toutes mes images. Je viens de passer à la maison de là-bas, y'avait de tout partout, comme si rien, vraiment rien, n'avait changé. Est-ce que les gens mettent une vie pour cicatriser? D'aprés lui, si c'est de Jama qu'on parle il lui faudra un siècle aprés la raclée qu'on va lui mettre. Je parle pas de Jama. Je me souviens des cartes Dragon Ball Z. avec les contours argentés, parsemés d'arc-en-ciel sous un certain angle, un peu cornées. Ce que j'adorais c'était caresser le ventre des poissons qu'on venait de pêcher prés du lac, étrange sensation que cette peau froide et gluante, trop blanche en generale. Quand on regardait le bouchon trop longtemps et qu'on était trop concentré il finissait par se dédoubler. Petite tache rouge sur un ciel bleu sur une eau verte. Cite moi une seule chose qui ne soit pas capable de se dédoubler ou de se diviser? Il dit " L'union ", et une armée entière de personnages étranges s'avance au pas, en provenance de l'horizon. Costumes en toile de jute, chapeaux invraisemblables, créatures indicibles des plus grandes aux plus minuscules, armés d'étoiles et de jouets jusqu'au bout du chapeau. Des morts et des vivants, des sacréments gentils et des méchants trés pérformants, le ciel orange et les paupières qui vrillent. Comme c'était la merde, je dormais.

Et tu parles d'un créateur, même pas capable de tuer un chat. Ma grand mère fait ça avec de l'ether. Ca me fait penser qu'au lever du jour on vidait les poules, elle m'expliquait l'estomac, l'oesophage, la vie en somme. C'était beau comme elle faisait ça, comme si elle n'avait rien tué, qu'elle ne faisait que se tenir en vie dans un monde d'hommes et d'animaux. Elle souriait paisible et honnête. Les temps ont bien changé, qu'elle dit. C'est vrai.

Tout ça ne mène nulle-part en vérité. C'est une histoire de recyclage, des spirales infinies qui transforment les souvenirs en armure et puis les fleurs en fruits, l'eau en glace, la chaire en cendre et les noyaux en cerisiers. Rien ne se crée. Une histoire d'energies. Et moi j'en ai encore.

Tous ces gens qui s'appliquent à se sculpter une existence dans la vanité même, c'est presque un peu trop beau. Elle a laissé la casserole sur le feu et la confiture a brûlé. J'évacue la fumée dans un rire. J'ai retrouvé mon sac de billes.

Posté par salefee à 00:48 - Commentaires […] - Permalien [#]