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Plum et les Mille Pourpre
14 avril 2009

[ Insomnia II ]

Les_sourires_au_beurre_noir

De Feujtown j'avais gardé le parquet, la couleur du miel et quelques rayons d'un soleil poussiereux. J'avais gardé le thé et multiplié les théières, j'avais surtout gardé des morceaux de Peuple bien choisis, trainant de l'oeil et du crayon. Des joueurs de cartes, des magiciens perdus, des marmots mal pondus qui font de la pâte à modeler avec moi le dimanche aprés-midi, des fois même le lundi. Le poisson rouge a eu le temps de mourir, et d'autres choses aussi. De là ou je vous parle on mange toujours avec nos doigts, on s'assoit toujours par terre, on s'échange nos dernières inventions autours d'un putain de bon vieux gouter, et au diable les aiguilles du temps qui fait la belle.

C'est comme si on passait sa vie à se réincarner. Je me souviens pourtant de tout, et de là ou je suis tout m'échappe. Je vois des images en accéléré, des restes de plat africain dans une assiette, les vocalises de Ray lorsqu'il prenait sa douche, les nuits blanches et les meubles à l'envers, les délires d'un coeur naïf face à une brochette de sushis. La chronologie se confond en excuses, elle ne sait plus ou est sa tête. Je me souviens des promenades en moto dans les rues de Saint-Michel, je me souviens que je me sentais libre et pourtant rien ne peut expliquer ça. Il ne reste plus rien.

J'ai gardé quelques aventures, tous mes jouets, et la machine absurde qui me battait aux tempes. Le reste s'est perdu dans des cartons d'actions débiles, des déménagements d'humeur. Toutes ces gueules qui ont passé ma porte et qui sont repartis, c'était juste la vie. 

Les lieux se définissent dans leurs détails, souvent ça n'a pas de sens. Une certaine lumière à une certaine heure, les choses qui ne sont pas rangées, l'importance qu'on leur donne. Je me rends compte en voyant la poussière sous les meubles, les taches sur l'écran, je me rends compte que je n'accorde aucune valeur à tous ces trucs. Je me rends compte que je m'en branle. Je me rends compte que rien n'est grave. Que les objets vont nous saluer, qu'il arrive que les choses se cassent, je me rends compte que tout va bien se passer. Tout ce tralala autours des choses qu'on paye cher, non vraiment, ça m'ennuyait.
Les seules choses que j'avais réellement envie de protéger étaient les choses qui se salissent, les souvenirs impérissables, les habitudes prises au passage et les animaux dessinés dans le bois, un carré de lumière, reconnaître un visage, ne jamais oublier, les trucs trouvés par terre, faire rire un des siens, manger des trucs sucrés, se promener dans une zone industrielle avec des pistolets, chatouiller un dessous de pied, la première clope quand on se réveille, ou boire un picon-bière avec une paille. Il ne reste plus rien. Je me souviens de tout. 

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Commentaires
G
Allez, allez, pas de fausse modestie...
P
Perrine Brel. Du génie à l'état pur.^^
P
"On oublie rien. On s'habitue c'est tout." de mon Pére ...
P
J'ai déjà dis que j'étais un mauvais écrivain.<br /> Une machine, oui. Je crois.
G
Un peu abrupte la fin : "Il ne reste plus rien. Je me souviens de tout."<br /> L'écriture, machine à recréer des souvenirs ?
Plum et les Mille Pourpre
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