Le papier sur lequel j'écris est du papier volé. Nous sommes à une époque ou le poéte se doit d'être vaurien pour sourire et le gout amer de cette résistance faible me reste en travers de la gorge. En d'autres temps je serais resté hors du monde, l'excès de bile noire dans ma chaire et mon être ne me permet pas d'intégrer la masse, c'est quelque chose qui arrive souvent et à beaucoup, au fond ça n'est rien. Pour être honnête je n'ai jamais réussi à être fière de ma race et de mon humanité, pourtant lorsque cette humanité se voit menacée par les rois, la fleur de rage fraternelle s'ouvre lentement dans le ventre et me donne l'envie de combattre auprès de ces miens imparfaits. La pluie pousse ses soupirs sur le pavé glissant et quelque chose dans l'air démange les paupières. Peuple impuissant et abruti par une hiérarchie verticale, pixelisé par les produits laitiers de la belle vie télévisée, abrutie, abrutie, abrutie. Je ne sais plus si je dois crier ou attendre, si la rue veux de moi ou des cendres. A présent je cherche quelqu'un d'autre à l'intérieur de l'unité que je suis, se trouver reviendrait à se perdre si la vie était ce qu'elle devrait être. J'ai inventé quelqu'un à qui je peux parler en permanence et qui n'est pas moi mais qui n'est pas vous, je lui ai donné un nom et une apparence qu'il n'utilise jamais, c'est une illusion de solitude parce qu'on est fous et qu'on est seuls et parce que c'est fou ce qu'on est seul. J'ai trouvé un endroit paisible ou je peux écrire à l'abris des regards, un petit couloir du campus que personne n'utilise jamais. J'en déduis qu'on est seul parce que c'est un désir, plus ardent encore que les désirs du corps.

Ca pourrait durer des pages et des rages si je n'entendais pas déjà l'orage, je n'ai toujours pas changé, le mot de trop c'est "moi". Je n'aime toujours pas la ponctuation l'écriture ne nous ressemble pas à ce point elle n'a aucun besoin de respirer pour vivre. Il faut tout lui donner sachant qu'elle ne nous rendra rien.

Je refuse que les mots me laissent sur le trottoir comme une chaussette trouée. Ca n'est pourtant pas si compliqué, je vous demande d'être des gens vrais, je vous demande des histoires vraies, je vous demande de provoquer les étoiles pour qu'elles tombent en cascade, je vous demande de prendre la vie entre vos mains avec le souvenir en tête de vos années Playdoh, je vous demande d'ajouter de la grenadine dans les fontaines et de tartiner les bancs publiques avec du chocolat.

Parfois il arrive que les jeunes humains se réunissent. Les rassemblements baignent alors dans cette lumière fauve qui révèle les sourires et les joues rouges des amis du puzzle, ceux qui se complètent en permanence et qui lorsqu'ils se parlent semblent entrer juste en transe. Il nous arrive de provoquer l'ivresse et le déreglement des sens, j'aime beaucoup l'empreinte que cette ivresse laisse sur nos visages au petit matin. La fumée blanche d'un joint se mèle aux pupilles goudronnées de lumière, la semaine a levé l'ancre et nous pataugeons à présent dans les eaux tièdes et salées de son dernier jour. Demain sera lundi.

Resistance filante.

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